Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
20 novembre 2009 5 20 /11 /novembre /2009 11:33
Le PS gagnerait à tirer parti de la présence de l’ex-candidate, plutôt que de la dénigrer.

Par NICOLE DEWANDRE Fonctionnaire à la Commission européenne..

La présidente de la région Poitou-Charentes, Ségolène Royal, le 18 novembre 2009 à Paris, lors

La présidente de la région Poitou-Charentes, Ségolène Royal, le 18 novembre 2009 à Paris, lors du congrès des maires de France. (© AFP Olivier Laban-Mattei)

 


«Occupe-toi de tes régionales !» Intéressante, cette injonction de Vincent Peillon à l’encontre de Ségolène Royal, sur Europe 1 hier matin. Qu’il faille s’occuper des régionales est une évidence, et le monde politique «s’en occupe» effectivement. Merci pour le rappel. Mais retenons la familiarité du ton, qui est incontestablement le signe d’un trouble. Puis, «je vais me taire après avoir parlé» et quelques minutes plus tard «si elle ne s’arrête pas, je continuerai». De quoi cette incohérence est-elle la signature ? N’en doutons pas, le professeur de philosophie, autant que le député européen, sera sensible à cette interrogation.

Mardi soir, sur France 2, Martine Aubry parlait de «bisbilles» et disait ne rien comprendre. Hier, elle en appelle à la «fraternité» dans un clin d’œil au mot fétiche de Ségolène Royal. Manuel Valls et Pierre Moscovici entonnent en chœur l’antienne «ça n’intéresse pas les Français». Manuel Valls trouve la «querelle ridicule, pathétique et déplacée», avant d’admettre dans un sursaut de lucidité qu’«il est frappé par la violence des mots». Si la présence de Ségolène Royal à Dijon n’est peut-être pas en soi un événement, ou n’aurait pas dû le devenir, la séquence déclenchée par cette présence, elle, est extrêmement significative. Ce qui frappe en effet, ce sont les stratégies de riposte qu’induisent les interventions de Ségolène Royal dans le débat politique. Soit on minimise («ça n’intéresse pas les Français»), soit on disqualifie («esbroufe médiatique», selon les termes de Vincent Peillon). Evidemment, ça ne trompe personne : les guéguerres et les questions de personne font partie du jeu politique. Et «l’esbroufe médiatique», ou, en d’autres mots, la stratégie de communication, est aussi partie intégrante du jeu politique.

Renverser la vapeur. La question qu’on peut se poser est : qu’est-ce qui fait qu’une intervention est prise au sérieux, c’est-à-dire interprétée positivement, valorisée, reconnue - au sens fort du terme -, ou que cette même intervention est ridiculisée et traitée avec mépris ? La même question se pose sur les conflits de personne, où certains sont considérés comme lourds d’enjeux tandis que d’autres seront présentés comme des querelles enfantines. Qui confère le droit de considérer des débats de personnes comme lourds d’enjeux ou non ?
Malgré sa longue expérience, Ségolène Royal continue d’être traitée par ses pairs comme une intruse, une mouche que ses opposants voudraient chasser du nez de leur visage par un geste de la main («Occupe-toi de tes régionales !») ou qu’ils essaient de supporter stoïquement («Je préfère m’occuper de ce qui intéresse les Français.») C’est un fait récurrent de son épopée politique et c’est précisément ce qui fait événement . L’expérience montre que Ségolène Royal résiste aux tentatives en disqualification et arrive même à «renverser» la vapeur : ce que d’aucuns appellent sa stratégie de victimisation n’est rien d’autre que sa capacité à… disqualifier la machine à disqualifier.

Encore faudrait-il qu’elle ne s’y mette pas, elle aussi, comme pourraient le laissait  craindre ses propos d’hier en parlant de Vincent Peillon : «J’ai cru entendre [Frédéric] Lefebvre.» Elle a l’art de transformer les flèches qui lui sont destinées en boomerang. Elle a l’art de rebondir. Cet art ne se manifeste que parce que ses initiatives résonnent dans l’opinion. Cette façon de retourner le procès en disqualification à son avantage est assurément son mystère et sa force. S’il y a de la magie dans les parcours politiques, la magie du parcours de Ségolène Royal se loge là.

Fragiles. Si le Parti socialiste trouvait - à son tour - la façon de tourner à son avantage la présence de Ségolène Royal dans ses rangs, il renouerait avec une dynamique collective porteuse de sens. Ne pas le faire et continuer à vivre sur cette analogie de la mouche sur le nez qu’on veut soit chasser, soit supporter (en attendant qu’elle s’en aille), ne permet pas de progresser en répondant de son histoire. Et Ségolène Royal fait évidemment partie de l’histoire du PS, même si c’est insupportable pour beaucoup de socialistes qui font aussi partie de cette histoire. Elle n’est pas increvable et il se peut que ses opposants en viennent à bout. Si le PS choisit de concentrer ses forces sur l’opposition à Ségolène Royal (et l’indifférence n’est pas une option), il se peut qu’il réussisse, mais je crains que ce ne soit au prix de son existence même, et d’un appauvrissement effrayant de l’espace public.
L’espace public est fragile, les organisations collectives sont fragiles, et le PS l’est aussi. Vivant en démocratie, on a parfois tendance à sous-estimer ces fragilités, à croire qu’on peut déverser nos frustrations en toute impunité. Il n’en est rien. L’espace public, cet «espace qui est entre nous», pour reprendre les mots de Hannah Arendt- a besoin d’être construit, entretenu, soigné, traité comme un bien commun. Par les hommes et les femmes politiques et par chacun d’entre nous. Le mépris est un poison pour la politique. La haine aussi. Notre voyeurisme aussi. Les mises à mort, que ce soit sur un croc de boucher ou autrement, tuent l’espace public, plus sûrement que quoi que ce soit d’autre.

Partager cet article
Repost0

commentaires

A
<br /> ça serait bien dommage, qu'ils réussissent à en venir à bout!<br /> ségolène tiens bon, on est avec toi!<br /> <br /> <br />
Répondre

Univ Populaires Participatives


Vidéos citoyennes:

 

UPP "Valeur travail"

UPP "Euro-Méditerranée"