LE MONDE 18.09.10 |
Samedi 18 septembre, Ségolène Royal devait être à Arcueil (Val-de-Marne), parmi les siens, ces fidèles de Désirs d'avenir réunis en assemblée générale annuelle. Cette "Fête de la fraternité" devait être l'occasion pour l'ancienne candidate socialiste à la présidentielle de 2012 d'affirmer son rôle d'opposante à Nicolas Sarkozy. Tout son discours s'organise autour de la thématique "résister et redresser la France", le mot "respect" est le fil conducteur de la journée.
Offensive, Ségolène Royal veut cependant agir dans le cadre de l'unité prônée par Martine Aubry. La première secrétaire, empêchée par son agenda, a dépêché l'un de ses proches, Claude Bartolone, député de Seine-Saint-Denis, à la Fête de la fraternité. Les anciens compagnons de route Manuel Valls, Arnaud Montebourg, Jean- Pierre Mignard sont de retour après une longue période de froid. Et, en invité surprise de dernière minute, Jean-Luc Mélenchon, le président du Parti de gauche. Au côté de Ségolène Royal, il défend l'idée d'un référendum populaire sur le maintien de l'âge de départ à la retraite à 60 ans.
Le retour de Ségolène Royal sur le devant de la scène nationale date du 30 mai, quand, sur France 5, elle a déclaré, à la surprise générale, qu'elle était prête à "faire le sacrifice d'une ambition personnelle et faire gagner la gauche" lors de l'élection présidentielle de 2012. Elle affirmait, de surcroît, s'être "rapprochée de Dominique Strauss-Kahn et Martine Aubry" en un "dispositif gagnant et extrêmement puissant face à la droite".
Dans les rangs du mouvement, la panique fut générale. La base rechigne sur les réseaux sociaux. "Vous croyez qu'elle pourrait ne pas y aller ?", demandait, angoissé, Denis sur Facebook. "Comment Ségolène peut-elle sans prévenir sceller un pacte avec les pilleurs du PS ?", ajoutait Christine. Car, chez DA, beaucoup se plaignent que le parti puisse à la fois "mépriser" les royalistes tout en piochant hardiment dans leur besace, pour preuve : les primaires pour désigner le candidat de la gauche à la présidentielle, le non-cumul des mandats, socles du dogme royaliste ou encore la sécurité et l'ordre juste.
Ce repositionnement ne devait rien au hasard. "Elle le mûrissait depuis longtemps", explique Guillaume Garot, député et maire (PS) de Laval et porte-parole de Ségolène Royal. Pendant plusieurs mois, elle a réfléchi sur la campagne de 2007, la situation du Parti socialiste et les attentes des Français. La principale leçon qu'elle a tirée de cette réflexion est qu'il n'y a pas de victoire possible sans unité. "Et elle a pris, seule, la décision de l'annoncer publiquement. C'est toujours elle qui décide, et qui surtout décide du moment", ajoute Guillaume Garot.
Selon Philippe Moine, élu parisien et membre de DA, cette décision a eu au moins un avantage : "Personne ne dit plus qu'elle peut être candidate en dehors du PS." La clarification a entraîné un surcroît de travail pour les cadres du mouvement et particulièrement pour le premier d'entre eux, Kamel Chibli, secrétaire général de DA depuis janvier. "Il a fallu que je traduise le message de Ségolène Royal auprès des militants", explique-t-il. Si les responsables ont bien compris que le jeu restait ouvert, les "ségolènâtres" étaient inquiets.
Kamel Chibli, c'est l'homme des quartiers populaires de Ségolène Royal, celui qui, à la tête de Cités d'avenir, association indépendante de DA, a rameuté les jeunes des quartiers et agrégé, en 2007, leurs votes au nom de la candidate socialiste. Il a été chargé de redonner confiance aux militants. "Nous étions tombés à 7 000 adhérents en 2009 mais, après le tour de France engagé par Jean-Louis Bianco, (député des Alpes-de-Haute-Provence) et Dominique Bertinotti, (maire du 4e arrondissement de Paris) : nous sommes remontés à plus de 10 000 aujourd'hui. Avec les réseaux sociaux, on peut accélérer cette dynamique quand Ségolène Royal le décidera. Les comités locaux deviendront alors ses ambassadeurs de 2012." Le -message est parfaitement clair : tout reste ouvert pour la prési-dentielle.
C'est la conviction de M. Bianco, longtemps fidèle de Ségolène Royal avant qu'il n'énonce, lors de l'université d'été du PS à La Rochelle, ses ambitions propres. Mais il met plusieurs conditions : "Ses faiblesses ? Ne pas paraître compétente et être trop souvent dans une attitude d'affrontement. Il faut qu'elle corrige cela si elle le peut. Ses atouts ? Elle a une force de synthèse naturelle qui rassemble des altermondialistes aux centristes, une conception très orthodoxe de l'économie qui rassure les entrepreneurs, et une capacité, par ses intuitions, à faire bouger les lignes, comme par exemple sur la sécurité ou la taxe carbone. Il faut qu'elle ne s'exprime que sur le fond dans l'année qui vient."
Désirs d'avenir l'y aidera sans barguigner, soutient Mme Bertinotti, "les militants veulent qu'elle y aille. Ils ont une relation très forte, empathique avec Ségolène mais ils savent aussi pourquoi ils sont engagés à ses côtés : elle aborde les questions comme eux les posent. DA n'est ni une secte ni un fan-club. Ses adhérents ne sont pas des décervelés. Leur engagement est tout à fait respectable".
Le "ségolènisme", selon Dominique Bertinotti, "c'est une capacité d'apporter des réponses fortes et crédibles sur les questions phares de la crise financière, de l'écologie sociale et de la croissance. C'est la mise en oeuvre concrète de la -démocratie participative, elle-même fruit de la réflexion de politologues et sociologues consi-dérables. C'est enfin un grand -respect de nos concitoyens, à commencer par les plus modestes, qui se reconnaissent dans la façon dont Ségolène Royal s'adresse à eux."
Respect : le mot est lâché. Il devrait être au centre du discours que prononcera Ségolène Royal à Arcueil. Respect des valeurs de la République et respect dû à la République. Les militants de DA reprendraient bien un peu d'"ordre juste".